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Cameroun : Il y a 25 ans, le coup d'Etat manqué
(06/04/2009)
La nuit du 05 au 06 avril 1984 avait été bizarre pour les habitants de Yaoundé. Des coups de feu inhabituels avaient perturbé leur sommeil et les avaient laissé dans une perplexité qui allait s'expliquer le matin.
Par Dieudonné Gaïbaï

Des douilles de balles qui venaient souvent se "perdre " dans la véranda de certaines résidences, une musique militaire sur les ondes de " radio Cameroun ", puis un message lu de manière saccadée qui annonçait la prise du pouvoir par le mouvement " J'OSE ", après avoir constaté l'Etat de délabrement du pays et " la situation pathétique de l'état de gestion du Cameroun ".

Les appréhensions de la nuit se confirmaient à mesure que commençait l'angoisse des lendemains incertains.

Une longue journée du 06 avril d'où peu d'informations filtrèrent, en dehors de rumeurs indiquant que le coup d'Etat n'avait pas tout à fait réussi et que des soldats loyalistes appelés en renfort de divers coins du pays, organisaient la résistance et allaient finir par retourner la situation, permettant au chef de l'Etat, véritable miraculé, de s'adresser à la nation au soir du 07 avril, en sa qualité de président de la République.
Tout a probablement été dit sur cette affaire. Des livres commis, comme celui du regretté Henri Bandolo, La flamme et la fumée, dont le chapitre à cet épisode douloureux de notre histoire est pathétique. Cela fait 25 ans que ces événements se sont produits. Un quart de siècle. Occasion pour Mutations de faire une nouvelle plongée dans l'histoire et, surtout, s'interroger sur ce que sont devenus quelques uns de ses acteurs.

La tentative du coup d'Etat de 1984 a consacré des trajectoires divergentes aux acteurs du putsch.

Cela fait bien 25 ans que des officiers de la garde républicaine et des éléments des forces de l'ordre décident au regard " d'une situation de gestion pathétique de l'Etat du Cameroun ", de renverser le régime de Paul Biya, successeur constitutionnel d'Ahmadou Ahidjo. Les évènements s'enchaînent au petit matin du 06 avril 1984. La journée est sanglante. De nombreuses vies sont emportées. Des officiers loyalistes organisent la riposte et réussissent à déjouer le coup d'Etat ourdi par des militaires dont on dit qu'ils sont des originaires du Grand Nord Cameroun. Mais le président Biya dans son adresse à la nation relativise la portée des accusations en indiquant que, "la responsabilité du coup d'Etat manqué est celle d'une minorité d'ambitieux assoiffés de pouvoir et non celle de telle ou telle province, encore moins celle des Camerounais de telle ou telle religion… "

Mais la suite des évènements est aux antipodes du discours présidentiel. De nombreux officiers de l'armée, des hauts responsables de l'administration originaires de la partie septentrionale du Cameroun sont interpellés. Le délit de facies est au menu. Des procès kafkaïen pour ceux qui ont cette chance d'être jugés s'en suivent, avec des condamnations à mort en série, des confiscations de biens à n'en pas finir. Trente et deux officiers sont ainsi exécutés à Mbalmayo le 1er mai 1984. Quinze jours plus tard, huit autres sont exécutés à Mfou. Un sort que cinq autres subiront le 09 août 1984 à Yaoundé. Nombre d'officiers et de cadres sont aussi mis en détention dans des maisons d'arrêt. Une vingtaine d'entre eux y trouveront la mort, du fait des conditions de détention insupportables.

Cauchemar

Et ce n'est que le 17 janvier 1991, qu'une loi d'amnistie des "putschistes" est promulguée par le Chef de l'Etat. Des certificats de levée d'écrou sont remis à tous les détenus de la tentative de coup d'Etat. Commence alors pour ces nombreux cadres, une nouvelle vie. Celle de la reconstruction après près de huit ans de détention dans une ambiance de grande grande.
Bouba Sambo, commissaire de police à la retraite et qui a fait partie des amnistiés confie que " lorsque je suis sorti de prison. Je ne savais pas où aller. Puisqu'à Wum où j'étais en poste au moment de mon arrestation, ma maison avait été mise à sac. Je suis rentré sur Garoua, d'où je suis originaire. Et j'ai eu de la peine à reconnaître mes enfants. Eux-mêmes ne me reconnaissaient plus. C'était pathétique. Mais avec le temps, on a essayé de nous ajuster." Comme lui, nombreux sont ceux qui ont eu de la peine à réintégrer leur environnement familial. Faute d'avoir donné des nouvelles pour certains, les épouses se sont remariées… Un véritable cauchemar pour ces personnes qui disent n'avoir servi que la République et qui sont malheureusement obligés de colmater les brèches pour se refaire une vie.

A ces nombreuses familles déstructurées du fait d'une séparation brusque, il a fallu gérer l'insertion dans la société ainsi que commente fort opportunément Boubakari Bello inspecteur de police au moment de son arrestation ; devenu aujourd'hui homme d'affaires prospère à Maroua. Le récit de ces mutations est à tout le moins détonnant. Dans ce contexte, nombre de "putschistes", pour sauver leur avenir décident de s'incruster dans le monde des affaires, avec pour la plupart un heureux épilogue.
Pour quelques uns, l'aubaine d'une réintégration était un pain béni pour ces cadres restés sans horizons. Quatorze officiers devraient selon la loi d'amnistie réintégrer l'armée camerounaise. Un privilège que n'ont finalement eu que les colonels Ngoura Belladji, Ousmanou Daouda et le chef d'escadron Abdoulaye Massel. Les autres ayant été mis rétroactivement à la retraite seulement en 2000, sans reconstitution de leurs carrières. Bouba Sambo, officier de police a pour sa part, a été réintégré dans les cadres de la police nationale. Alors même que faute d'avoir une activité pérenne, il s'était engagé en 1992 dans les rangs de l'Union nationale pour la démocratie et le progrès. Une formation politique qu'il est contraint de quitter en 1996, lorsqu'il est rappelé pour servir au GMI du Nord.

Frustrations

L'engagement politique est somme toute une passerelle pour plusieurs d'entre eux. C'est ainsi qu'ils participent à la gestation de plusieurs formations politiques. Ils se muent ainsi en tribuns, en zélateurs de la haine contre le président Biya, du moins au début des années 1990. Ce d'autant que pour la plupart aujourd'hui, ils ont rejoint les rangs du parti le Rdpc. Une posture que n'ont pas adoptée de nombreuses personnes restées dans l'anonymat depuis leur sortie de prison en 1991. L'étreinte des familles affectées par ces évènements est vraisemblablement loin d'avoir été restauré, en dépit des initiatives d'ouverture faites par le gouvernement. Les frustrations entretenues, les séquelles indélébiles permettent-elles aujourd'hui de tourner la page de cet épisode tragique de l'histoire de notre pays ? Dakolé Daïssala qui a été fait prisonnier indique que, "l'histoire d'une nation est généralement un tissu de malheurs subis ou surmontés. Dans ce cadre triomphent royalement les nations qui les surmontent et tombent dans la décadence toutes celles qui les subissent sans volonté d'aboutir et d'avenir." A-t-on donc suffisamment tiré les leçons de ce nuage sombre de l'histoire du Cameroun ? Les protagonistes ont-ils tiré un trait sur cette affaire ?


Source : Quotidien Mutations




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