Le groupe nigérian MRS Holding Limited vient de signer une convention avec l’Etat du Cameroun portant sur l’approvisionnent en énergie électrique issue des sources hydroliennes, c'est-à-dire produite à partir des courants marins océaniques et fluviaux.
Ce projet énergétique qualifié de « révolutionnaire » par ses promoteurs et dans les hautes sphères du pouvoir politique, laisse les consommateurs d’électricité dubitatifs et circonspects.
Et pour cause, c’est dans les circonstances similaires, c'est-à-dire dans un branle-bas communicationnel et un optimisme débordant, qu’avait été accueillie la signature, le 18 juillet 2001, du contrat de concession en faveur de la firme américaine AES Corporation. Sur la base de promesses mirobolantes d’investissements massifs dans le secteur, certains avaient vite fait de soutenir que cette concession était une panacée. Neuf (09) ans après la privatisation du service public de l’électricité, le changement escompté est à peine perceptible ; le déficit en énergie électrique reste toujours important et les désagréments multiples.
MRS Power Cameroon, filiale locale de ce groupe nigérian, prétend pouvoir se passer des fonds publics pour le financement de son projet et affirme son ambition « de satisfaire toute la demande nationale en énergie électrique, de réduire de moitié le tarif d’électricité et même de faire de notre pays une puissance énergétique régionale, exclusivement sur fonds propres ».
Devant les promesses mirifiques de ce groupe nigérian, on ne peut s’empêcher de penser à un nouveau bluff. Pourtant, il est aujourd’hui acquis que de par leur caractère stratégique et structurant, les projets énergétiques d’envergure requièrent presque toujours le soutien actif des pouvoirs publics. Tous les experts sérieux savent par exemple que le programme d’investissement de l’opérateur AES/SONEL est soutenu par l’Etat, soit à travers sa participation comme actionnaire de cette entreprise, soit par son cautionnement auprès des institutions financières nationales et internationales.
Par ailleurs, l’origine naturelle de l’énergie hydrolienne n’enlève en rien le fait que son exploitation présente un coût. Lorsqu’on sait qu’en vertu du contrat de concession du 18 juillet 2001, l’énergie qui sera éventuellement produite par MRS Power Cameroon, sera obligatoirement vendue à l’opérateur AES/SONEL, qui devra la revendre à un prix lui garantissant une marge substantielle ; à quel prix reviendra-t-elle réellement aux usagers ? MRS Power Cameroon ne dit rien sur cet important aspect de son projet.
Le sentiment d’incompréhension des consommateurs est exacerbé par l’affligeant constat d’une incohérence avérée des pouvoirs publics eux-mêmes dans la gestion du secteur de l’électricité.
En effet, alors qu’à peine 5% de l’immense potentiel hydroélectrique de notre pays est actuellement mis en valeur, il y a 02 mois, le MINEE a sollicité et obtenu l’appui de l’Etat pour le financement d’un programme thermique dit « d’urgence ». Qui plus est, nonobstant le fait que l’unique réseau national de transport électrique est vétuste et saturé, le gouvernement reste curieusement sourd aux appels répétés du RACE en faveur de la création d’une filiale autonome de transport en ligne et du renforcement du réseau actuel afin de réduire les pertes techniques qui affectent négativement les tarifs d’électricité. Comment avec un réseau dans un tel état de délabrement l’énergie produite arrivera-t-elle jusqu’à l’usager ? Qu’y a-t-il véritablement derrière cette nouvelle promesse d’un ciel sans nuages ? Qu’est ce qui explique la fébrilité et l’enthousiasme manifestes du gouvernement pour ce projet énergétique ?
Cela dit, hormis les opérateurs de l’industrie de l’aluminium, ce nouveau venu sur le marché de l’électricité porte à cinq (05) le nombre d’entités ayant reçu une autorisation d’exploitation du patrimoine énergétique national ; il s’agit de : AES/SONEL, KPDC, EDC, MRS Power Cameroon et l’ONG CERSTRA – qui a signé, sans tambours ni trompètes, le 17 novembre 2009, un accord cadre avec le MINEE.
Si nous réjouissons du fait que l’accès à l’électricité semble devenir une priorité pour les autorités politiques, toutefois, nous ne pouvons pas rester indifférents devant ce qui peut être assimilé à juste titre à une navigation à vue.
La nécessité d’une amélioration de l’offre de l’énergie électrique au Cameroun exige des pouvoirs publics une politique sectorielle cohérente et des choix économiques rationnels ; nous ne voulons pas l’électricité à n’importe quel prix. Nous refusons de nous laisser berner une nouvelle fois.
Le RACE appelle les consommateurs d’électricité à la vigilance et met le gouvernement en garde contre le laxisme et toute autre pratique susceptible de mettre en péril les intérêts du pays et du consommateur. Pour ne pas retomber dans les mêmes travers qu’en 2001, toute la lumière doit être faite sur les contours de cette nouvelle convention qui engage tous les Camerounais.
L’accès à l’énergie est un droit essentiel et inaliénable !
Réseau associatif des consommateurs de l'énergie
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