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Au Cameroun, des rescapées de Boko Haram racontent leur enfer
(08/04/2016)
A la voir marcher à petits pas dans l’immense camp de réfugiés de Minawao, à l’extrême nord du Cameroun, on ne se doute de rien. La jeune Safitou (le prénom a été changé), 15 ans, a l’air d’une adolescente normale.
Par Le Monde

A la voir marcher à petits pas dans l’immense camp de réfugiés de Minawao, à l’extrême nord du Cameroun, on ne se doute de rien. La jeune Safitou (le prénom a été changé), 15 ans, a l’air d’une adolescente normale. De près, pourtant, la tristesse de son regard et ses lèvres gercées donnent l’impression que la jeune fille sort d’un lit d’hôpital. « J’ai été kidnappée par Boko Haram pendant près d’un an, commence-t-elle avant de s’interrompre en larmes, la voix hésitante. J’ai déjà trop raconté cette histoire... Ils m’ont obligée à épouser un de leurs hommes. J’ai été mariée de force... »


Tout commence début 2015. L’adolescente ne souvient pas de la date exacte. Safitou est originaire du village Boule, au nord-est du Nigeria, non loin de la frontière avec le Cameroun. Une nuit, son village est surpris par la visite de membres du groupe terroriste. « Ils m’ont enlevée avec de nombreuses autres filles âgées entre 10 et 15 ans. Et ils nous ont ensuite emmenées en pleine brousse », raconte Safitou, qui se dit aujourd’hui incapable de décrire le lieu de sa captivité. Elle se souvient seulement qu’à longueur de journée, les hommes leur parlent de Boko Haram.


Mariée à « un jeune, pas trop vieux »

Vient ensuite l’étape du « mariage ». L’adolescente apprend un beau jour qu’elle est désormais l’épouse de l’un d’eux, « un jeune, grand, pas trop vieux ». Une étape que Safitou relate difficilement, ses souvenirs étant entrecoupés de longs soupirs. « Elle est traumatisée et vit dans la peur de ce qui peut lui arriver », explique, comme pour clore le sujet, Hapsatou Sali, assistante du service communautaire du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). La dame sert de traductrice à Safitou qui s’exprime en haoussa et apprend l’anglais depuis peu.

Comment la jeune fille a-t-elle réussi à s’échapper des mains de ses ravisseurs ? Comment a-t-elle trouvé le chemin du camp de réfugiés de Minawao ? Safitou dit avoir bénéficié de la complicité de son « mari », qui lui aussi voulait se défaire de l’emprise de Boko Haram. Puis un jour, ils sont partis. Arrivés à la frontière avec le Cameroun, ils sont interpellés par les forces de défense. L’homme est arrêté, Safitou est conduite au camp de réfugiés de Minawao, en pleine zone désertique à quelque 70 kilomètres de Maroua, la principale ville de l’extrême nord du Cameroun, elle-même située à un millier de kilomètres de la capitale Yaoundé.

Le camp de Minawao abrite près de 60 000 âmes réparties dans des habitations de fortune qui s’étendent à perte de vue. A différents points, des dispensaires de l’organisation Médecins sans frontières, des écoles et des marchés. Une petite ville dans la ville qui comprend pour la plupart des réfugiés fuyant les attaques de Boko Haram au Nigeria, mais aussi des Camerounais issus des villages rasés par le groupe terroriste depuis ses premières exactions au Cameroun en 2014. Le camp de réfugiés de Minawao vit sous perfusion d’une coalition de donateurs occidentaux.

Ici, Safitou n’est pas la seule ex-otage de Boko Haram. Des centaines d’autres tentent d’y reconstruire une nouvelle vie avec l’aide de psychologues. Beaucoup reprennent le chemin de l’école. C’est aussi le cas de Safitou qui reste taiseuse sur les souffrances subies durant sa capture. En revanche, Marimouna, la cinquantaine, parle « pour oublier », pour qu’un jour, « on tue enfin tous ces Boko Haram ! »

« On dormait à même le sol »


Marimouna est restée dix mois et quinze jours comme otage du groupe terroriste nigérian. « Ils nous fouettaient avec des morceaux de fer. Ils nous faisaient réciter des paroles de leur “Allah”. C’était affreux », lâche-t-elle, le regard perdu au loin. Marimouna a été enlevée alors qu’elle tentait de s’enfuir à la suite d’une attaque de Boko Haram dans son village.

« On dormait à même le sol, en plein air, sans protection. Du matin au soir, on nous mettait dans une grande cour. On nous parlait de Boko Haram et celles qui n’acceptaient pas de se marier avec eux étaient fouettées », assure l’ex-otage en montrant des cicatrices sur plusieurs parties de son corps. Son âge avancé ne lui a pas épargné les coups de fouets quotidiens. Marimouna avait refusé de devenir la « formatrice » que le groupe terroriste voulait en faire. Pour s’enfuir, la quinquagénaire a profité de la prière de minuit, l’heure à laquelle toutes les otages sont rassemblées pour un grand sermon. C’est aussi à cette heure que les terroristes partent à l’assaut des villages. Après quelques tentatives ratées, la dame réussit son coup en février 2016.

Au camp de Minawao, elle a retrouvé ses enfants. « Mais, je n’arrive pas à oublier la souffrance endurée », dit-elle, la gorge nouée. « C’est difficile pour elles de parler de ce qu’elles ont vécu. Ces femmes ont été atteintes dans leur dignité », souligne l’assistante sociale Hapsatou Sali.


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